Quand je pousse la porte d’entrée de mon appartement, la bibliothèque est déjà là, accueillante et paisible, avec ses habitants les livres aux formes et aux habits divers et colorés. De certains ouvrages émanent des senteurs de vieux papier, et pour quelques-uns je peux dire à quels textes appartiennent ces souffles.
Sans les ouvrir, ils me racontent déjà des histoires, me parlent d’un personnage, d’une vie, d’une découverte, d’un courant de pensée, que sais-je encore…
Tout de suite à hauteur d’yeux et de mains, se trouvent des livres de poésie, faciles à prendre, à ouvrir, à refermer et dont j’emporte le vers et goûte sa saveur. Pour leur éviter de vieillir trop vite, je passe le chiffon avec douceur ôtant la poussière et je souris ou m’émerveille de constater que les vieux écrivains côtoient les plus jeunes, que les femmes et les hommes sont déjà sans doute à parité, que les cinq continents se rapprochent, qu’Elias Canetti compose avec Willa Cather, que Panaït Istrati voisine avec Julia Kristeva, ou que Fabienne Verdier s’entretient avec Boris Vian… à mots couverts.
Oui, ils sont là les livres, toujours en attente d’être ouverts, comme autant de hublots d’avion ou de paquebots, de fenêtres, en direction d’espaces insoupçonnés sur le monde parfois intérieur et surtout, ils sont une présence, sans laquelle je crois bien, il me serait difficile de vivre.
Alors, je me prends à m’alarmer de la possible disparition des livres et des bibliothèques. Ne pourrons-nous plus transmettre ce que nous nommons « la bibliothèque d’un honnête homme, d’une honnête femme » ? Allons-nous priver nos contemporains, nos descendants de ce compagnonnage si vivant au quotidien ?
Sophie Gava